Retour sur l’aventure de BLADE RUNNER – NEOCEAN
15 juillet 2025

À 40 milles nautiques du Grand Passage, Blade Runner – Neocéan filait plein Est, tribord amure, sous spi symétrique bien gonflé. Le vent soutenu (25 nœuds) et la mer formée offraient à Damien Meunier et son équipage une partition exigeante mais jouissive : surfs longs, puissants, parfois 14 nœuds, flirtant avec les limites du bateau et de son équipage.
À bord, l’organisation est millimétrée. Trois heures sur le pont, une en stand-by, trois pour tenter de dormir dans une bannette qui cogne à chaque vague et on recommence. Mais comme d’habitude, Blade Runner est à la hauteur de sa réputation. Malgré les secousses, la cambuse tourne. Et bien. Dimanche soir, bolognaise. Lundi midi, tartare de thon. Lundi soir, porc au sucre. Un plat désormais mythique, car préparé en plein vol : Steeve, au moment précis où il servait les gamelles, est projeté à travers la cabine par un roulis un peu trop enthousiaste. Résultat : une envolée de couvercles, une réception acrobatique, et un repas “avec un goût de planche”’ nous raconte Damien..
Too Far Out et Boudicea sont rapidement placés dans le sillage lors de la première nuit, “mais nous les sentions à nos trousses avec leurs présences furtive sur l’AIS (transpondeur du bateau) en limite de réception” se souvient Damien.. Le moral est bon, l’équipage affûté, le bateau répond. Un taquet de chariot de grand-voile a bien été arraché dans un empannage un peu musclé, mais vite remplacé. Tout semble sous contrôle.
Jusqu’au moment où Blade Runner surfe la mauvaise vague. Trop vite. Trop fort. Le bateau s’emballe, dépasse les 17 nœuds. Puis s’enfonce brutalement dans la vague suivante. Le choc est sec, le bateau se couche. Certains voient un winch sous l’eau, d’autres n’ont plus de gouvernail. Le safran s’est arraché. Alors que c’était aussi lui qui leur avait coûté la course en 2022. Saleté de Safran ! La course est terminée. 

L’équipage affale le spi, démarre le moteur. Le safran de secours, jugé trop encombrant à Nouméa, devient l’unique espoir. Il est mis en place, fragile silhouette dans la houle.
Cap vers la passe de Balade. 60 milles à remonter au moteur, à 3 nœuds, dans une mer hachée.
Le COSS est alerté via Iridium. Le Starlink, lui, reste muet — trop au large pour l’abonnement côtier. En VHF, l’équipage entend la prise en charge de Rushour en détresse. Ca fait relativiser, mais l’équipage n’est pas tiré d’affaire. Le gasoil baisse. Les nerfs aussi. Après 18h de navigation tendue, Blade Runner atteint les eaux abritées.
“Là au matin, sortie de nulle part… arrive Jojo – envoyé par les collègues de Koumac, se souvient Damien, sourire sur le visage. Des collègues du Nord nous l’ont envoyé. Il nous amène le carburant qui nous aurait manqué pour rallier Koumac. À l’heure où certains aimeraient des croissants au pied du lit, on est content avec du carburant pour notre petit bateau mutilé mais vaillant.”
On respire. Douche dans le fleuve, petit-déj. Le Nord est là, accueillant, généreux. “En route au moteur pour contourner l’extrême nord, on distingue Too Farr Out qui suit la même route non loin derrière… glisse, mutin, le skipper. C’est
décidé, la course reprend, on va les laisser derrière…
Prétextant de faire sécher le spi, les garçons (décidément pas calmés, pu plus mûrs)i… « Renvoie de la toile » ! Pas longtemps car le dédale d’îlots du Nord, avec un petit air de Bretagne ensoleillée, nous impose un chemin que le petit safran ne saurait tenir avec le spi en l’air. Mais c’est si beau qu’on se promet d’y revenir en d’autres circonstances.”
Blade Runner arrive à Koumac à 23h. Pas de couchette pour tout le monde dans le bateau, mais un bon plat chaud et le sentiment du devoir accompli.
Le safran est perdu. Pas l’envie. Pas la fierté.
Blade Runner – NEOCEAN a plié, mais n’a pas sombré.
Photos : L’Oeil de Cha’, Sky Prodphotography, Fred Cance et Blade Runner.